En 2020, l’administration a réalisé 365 000 contrôles fiscaux. Un chiffre important qui témoigne des efforts pour lutter contre les fraudes.
Ce chiffre comprend notamment les contrôles du crédit impôt recherche (CIR) et innovation (CII). Car oui, il convient de distinguer les contrôles qui portent sur la comptabilité générale et ceux qui portent uniquement sur la déclaration de crédit d’impôt et qui deviennent de plus en plus automatiques.
C’est cette dernière catégorie qui nous intéresse ici. L’idée de cet article est d’expliquer le déroulement d’un contrôle du CIR/CII et de le démystifier. Car beaucoup d’entreprises se privent de ces aides par peur. Elles préfèrent passer à côté de dizaines de milliers d’euros par crainte de voir leur comptabilité soudainement passée au crible. Il est temps de les rassurer. Le CIR et le CII sont des dispositifs généreux, il est donc normal qu’il fasse l’objet d’une surveillance. Celle-ci s’effectue par étape et à chaque fois l’entreprise à la possibilité d’échanger avec l’administration, d’argumenter et au besoin de contester la décision rendue. Nous allons dérouler l’ensemble de la pelote depuis le dépôt du Cerfa et présenter tous les recours possibles jusqu’au Conseil d’État même si dans les faits, il est très (très) rare d’avoir à en arriver jusque-là !
Au sommaire de cet article :
Étape 1 : La demande de pièces
Dans un premier temps lors d’une déclaration de CIR ou de CII, l’entreprise envoie simplement un Cerfa sur lequel est indiqué le montant du crédit d’impôt, au moment de sa déclaration de résultat d’exercice (liasse fiscale). À sa réception, le service des impôts des entreprises (SIE) peut alors valider directement le crédit d’impôt sans investiguer, ce qui devient rare, ou bien demander des pièces complémentaires à l’entreprise. Il s’agit souvent :
- du dossier financier (pour comprendre les grandes étapes du calcul et vérifier le montant et la nature des dépenses valorisées)
- du dossier technique (pour vérifier l’éligibilité du projet au dispositif).
Ces pièces sont à envoyer dans un délai d’un mois, d’où l’importance de les avoir préparées en amont. L’analyse de ces pièces est effectuée par un vérificateur qui fait partie du pôle expertise du SIE. S’il le souhaite, le vérificateur peut faire appel à un expert du MESRI (Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation) afin de l’aider à déterminer l’éligibilité technique du projet. Mais gardez bien en tête que ce n’est pas automatique. Le vérificateur peut tout à fait décider seul si vos travaux sont de la R&D ou non.
Lorsque les dossiers sont bien rédigés sur la forme comme sur le fond, le contrôle s’arrête bien souvent là. Si à la lecture des éléments envoyés, le vérificateur a encore des doutes, il vous adressera des questions complémentaires. Il vous faut y répondre dans un délai de 30 jours en général. C’est l’occasion de revoir votre copie et de clarifier certains points. À ce stade, sauf erreur de calcul de votre part ou incompréhension sur la notion de R&D ou d’innovation, vous devriez obtenir gain de cause.
Si jamais vous n’avez toujours pas convaincu, vous recevrez alors une proposition de rectification afin de motiver un recouvrement et de clôturer le contrôle fiscal (pour les entreprises qui paient de l’IS). Les entreprises déficitaires se verront quant à elles refuser leur demande de remboursement de leur crédit d’impôt recherche ou innovation. Mais tout n’est pas perdu.
Bon à savoir : De la même manière qu’une entreprise peut revenir 3 ans en arrière et déclarer rétroactivement du crédit impôt recherche ou innovation, l’administration a aussi 3 ans, suite à la déclaration de CIR/CII de l’entreprise, pour envoyer une demande d’information et ainsi réclamer les dossiers financiers et techniques. Par exemple, l’administration peut demander en 2025 le dossier technique d’un projet déclaré en 2022. D’où l’importance de bien documenter vos projets pour ne pas avoir à rédiger un dossier technique des mois voire des années après la fin de vos travaux…
Étape 2 : La proposition de rectification
La proposition de rectification est un acte visant à corriger une erreur d’imposition. Elle présente les conclusions du contrôle. Ce document vous permet de connaître les dépenses non retenues dans le calcul de votre crédit d’impôt, les montants concernés et les motifs du redressement (ou du non remboursement de votre crédit d’impôt pour les entreprises déficitaires). La proposition de rectification doit permettre à l’entreprise de bien comprendre ce qui lui est reproché. Elle a ensuite l’occasion d’y répondre point par point afin de faire changer d’avis l’administration, c’est ce que l’on appelle : les observations du contribuable. Ces observations sont à envoyer dans un délai de 30 jours, prorogeable 30 jours.
Un nouveau dialogue s’enclenche alors avec l’administration. Le vérificateur se doit de répondre à l’entreprise, c’est « la réponse aux observations du contribuable ». S’il n’a pas changé d’avis, l’entreprise peut alors solliciter un comité consultatif. Le comité consultatif est un organe créé par la loi de Finance de 2015 dans le but de réduire les contentieux entre l’administration et les entreprises. Le comité étudie alors les 2 positions et émet un avis purement informatif. Cela veut dire que l’administration (comme l’entreprise) peut décider de ne pas suivre les recommandations du comité. Si l’entreprise veut poursuivre sa contestation, elle doit alors passer par le recours hiérarchique.
Étape 3 : Les recours hiérarchiques
Les recours hiérarchiques permettent à l’entreprise de contacter les supérieurs du vérificateur en charge de votre dossier. C’est un moyen de changer d’interlocuteur. D’abord en s’adressant au chef de brigade, le N+1 du vérificateur. Cela peut aussi permettre de mobiliser un nouvel expert du MESRI (ou un premier expert si cela n’avait pas encore été fait) si le redressement porte sur un motif technique.
Le recours au N+1 n’est pas plus satisfaisant ? Alors vous pouvez faire appel au N+2 en l’occurrence l’interlocuteur départemental des finances publiques ! Une rencontre est alors organisée pour vous permettre d’exposer vos arguments.
Dans la grande majorité des cas, l’issue du recours hiérarchique est favorable aux entreprises. Mais si l’administration maintient sa position, vous recevez un avis de mise en recouvrement. Vous devrez alors procéder au remboursement des sommes demandées ou réclamer un sursis de paiement (sur présentation d’un justificatif financier). Mais cela ne vous empêche pas de continuer à contester le redressement.
Étape 4 : La réclamation contentieuse
Si vous estimez toujours être redressé à tort, vous devez alors adresser une réclamation à votre service des impôts, c’est ultime et obligatoire étape avant la voie judiciaire et le tribunal administratif. Ce courrier doit notamment mentionner l’imposition contestée, présenter les conclusions du SIE et vos arguments. Attention cette réclamation ne vous dispense pas du paiement de l’imposition, sauf en cas de sursis de paiement.
Si votre réclamation est rejetée, il vous reste à porter l’affaire devant les tribunaux.
Étape 5 : Le tribunal administratif
La saisine du tribunal administratif représente un changement de donne. Jusque là vos interlocuteurs dépendaient de l’administration, maintenant vous êtes face à des juges indépendants dont le rôle est justement de régler les litiges entre les particuliers et les administrations. Si le désaccord est d’ordre technique, le tribunal mandate alors un nouvel expert du MESRI.
À l’issue de la procédure, si le jugement ne vous convient toujours pas, vous pouvez faire appel devant la Cour administrative d’appel puis enfin devant le Conseil d’État.
Conclusion :
Comme nous venons de le voir, les recours à la disposition des entreprises sont nombreux et bien souvent il n’est pas nécessaire d’aller plus loin que la première demande de pièces justificatives. D’où l’importance d’être bien accompagné dès le début de votre déclaration de crédit impôt recherche ou innovation afin :
- de ne pas faire d’erreur de calcul et de ne retenir que les dépenses valorisables.
- de présenter un dossier technique robuste afin de bien mettre en évidence votre éligibilité au dispositif.
Rassurez-vous, il est également rare de voir un contrôle fiscal sur le CIR/CII se transformer en un contrôle sur la comptabilité générale. En résumé, la peur du contrôle ne doit pas être un frein à votre déclaration de crédit d’impôt. Il est normal que ces dispositifs soient encadrés et contrôlés pour éviter les abus car ils représentent un budget annuel de 7 milliards d’euros !
Si vous êtes justement en phase de contrôle, vous aurez compris que la qualité des arguments et des éléments présentés est déterminante. L’administration a ses attentes sur le fond comme sur la forme. Nos experts sont à votre écoute pour échanger sur votre situation et vous apporter un premier niveau de conseil gratuitement, il vous suffit de prendre rendez-vous !